Pages

22/04/2017

La Brenne a perdu un patrimoine vivant: La Tuilerie de la Lorne qui perpétuait, depuis 1774 un vrai savoir-faire artisanal, a été mise en liquidation judiciaire.


Pascal Robin venait de lancer une gamme de carreaux à motifs médiévaux.

Pascal Robin était arrivé en Brenne au printemps 2011 avec la foi du charbonnier. Ce commercial reprenait un joyau de l'artisanat local, la Tuilerie de la Lorne, avec l'objectif de pérenniser un savoir-faire ancestral puisque le site du Ruffec-le-Château fonctionnait depuis 1774. Les tuiles et carreaux fabriqués avec une argile blanche provenant de Pouligny, ou plus orangée, extraite dans une carrière voisine, étaient cuits au feu de bois.

Il voulait développer une production auréolée du label Entreprise du patrimoine vivant, en se diversifiant. La création de nouveaux formats, de carrelages inédits, de plaques à pizza, de repose plats, de presse-papiers, lui amenait des clients supplémentaires. Encouragé par l'obtention d'un Ruban vert de l'agriculture, il visait également le haut de gamme en lançant des carreaux à motifs médiévaux.

" Tout le monde était bien content de trouver un pigeon "

 « Nous sommes sur de la reconstitution historique et j'ai effectué de nombreuses recherches sur les produits utilisés du XIIe au XIVe siècles », expliquait, en juillet 2016, le propriétaire des terres cuites de la Lorne, en mesure de proposer une cinquantaine de modèles représentant des animaux, des personnages ou des décorations. Un travail vendu de 490 € le mètre carré pour une rosace à 850 € le mètre carré pour un beau carreau. Le créneau existait, mais son problème était de faire vivre cette entreprise de trois salariés qui avait des difficultés à joindre les deux bouts en raison, notamment, de la faible capacité de son four.
 « Nous avions été placés en redressement judiciaire en juin 2015, rappelle Pascal Robin. L'association Egée nous avait aidés à travailler sur les améliorations à apporter en terme de production, de prix de vente. Nos seize rotations annuelles n'étaient pas suffisantes, il aurait fallu une cuisson supplémentaire et déjà, j'avais dû licencier un employé. »
Malgré un carnet de commandes important, la fin de cette belle aventure était devenue inéluctable. « J'ai demandé, en vain, à la communauté de communes, qui avait aménagé le bâtiment, une baisse du loyer. J'ai également essayé de discuter avec le Parc, mais il ne s'est rien passé. Quand je suis arrivé, je n'étais pas de métier et tout le monde était bien content de trouver un pigeon. Les collectivités locales ne nous ont jamais fait appel pour un chantier et je me suis toujours retrouvé seul. A un moment, il faut savoir s'arrêter. »
Le destin d'une des dernières tuileries artisanales de l'Hexagone, qui accueillait régulièrement des visiteurs à l'occasion des opérations Secrets de fabrique, des Journées du patrimoine et des métiers d'art, des animations du Parc de Brenne et de l'Écomusée du Blanc, est maintenant entre les mains du syndic.
 « J'assure actuellement la transition, conclut Pascal Robin. Si un projet de relance se dessine et qu'on me consulte, je l'étudierai. Le potentiel existe, mais il faudrait investir sur l'ancien four pour que l'entreprise soit viable. »

réactions  " Tout a été mis en oeuvre pour sauver cette activité "

 Sébastien Lalange, responsable du Pôle développement local du PNR Brenne. « Cette situation est forcément très traumatisante pour M. Robin qui s'est beaucoup investi dans cet établissement, en lui consacrant énormément de temps, d'argent, d'énergie, mais il n'a pas de reproches à nous faire. Nous ne sommes pas des donneurs d'ordres par rapport aux entreprises qui interviennent sur les chantiers. Elles sont responsables de l'opération et même si on peut avoir des préférences pour un fournisseur, on se garde bien d'être prescripteur. Néanmoins, il y a plusieurs années, nous avions eu l'occasion de faire travailler son prédécesseur. La toiture de halle de la Maison du Parc a été réalisée avec des petites tuiles fabriquées à Ruffec. »

Guy Leroy, directeur de la Communauté de communes Brenne-Val de Creuse. « Il faut savoir que, pratiquement depuis le début, M. Robin ne payait pas le loyer de son crédit-bail. Nous faisions le mort en espérant que la situation s'arrange, mais il nous doit maintenant plus de 80.000 €. Il reproche aux collectivités locales de ne pas l'avoir fait travailler, mais il occupait plutôt une niche d'artisans et de particuliers, et en ce moment, nous n'avons pas d'intervention sur bâtiments couverts de tuiles. Nous avons pris du temps pour le rencontrer à plusieurs reprises et tout a été mis en œuvre pour sauver cette activité. Cette situation est regrettable et on ne souhaite surtout pas que le site soit démantelé. Avec le liquidateur, il faudrait trouver une solution pour faire repartir la production. »

Source La Nouvelle République par Jean-Michel Bonnin

Aucun commentaire: